Bernard

Publié le par Fei

Bernard, c'est l'oncle préféré. Le type qui aime les enfants et que les enfants adorent. Drôle, d'une gentillesse à faire passer un bisounours pour un tortionnaire, souvent un peu dans la lune. Le type attachant que les gamins voient tout de suite comme un copain plus qu'un adulte. Quand j'étais petit, il avait une bonne moustache, il faisait de la moto, et aux yeux des enfant ça composait encore plus ce personnage qu'on adorait. Et puis il aime Tintin, une de mes toutes premières lectures. D'ailleurs, en vieillissant, il a doucement glissé vers un look de marin barbu, sorte de Capitaine Haddock avec quelques années et beaucoup de sagesse en plus, qui aurait rangé les jurons en fond de cale tout en conservant pour leur inventivité une grande tendresse. Mais il n'y a pas que l'apparence. Un amateur de voile, un passionné de la mer et un amoureux de la Bretagne, c'est aussi ça, Bernard. Un type capable de te fasciner avec ses histoires, parce qu'il sait raconter et que derrière chaque parole on sent l'honnêteté, la simplicité et la passion dans ses mots. Une passion calme, solide et ancrée dans la durée, qu'il a su transmettre autour de lui.

Et puis Bernard, c'est quelqu'un de spirituel. Drôle et plein d'esprit, certes, mais aussi en quête de réponses et de sens. La spiritualité chez lui c'est comme le reste : honnête,  respectueuse, désintéressée. Ca je l'ai découvert, ou compris,  plus tard. Et ça a encore donné du relief à cet oncle préféré, que je n'avais jusqu'alors jamais vu sous cet angle profond et méditatif, qui ne cherche pas à imposer ses croyances mais dont la démarche spirituelle force le respect. Quelqu'un de bien, en fait, si on ne devait en retenir qu'un mot . Qui a su, avec sa femme, élever deux enfants et en faire des gens exemplaires, un peu plus agés que moi et mes cousins préférés, qui m'ont servi et me servent encore de modèles. Qui a réusi dans ce qui compte vraiment dans la vie, en fait : être quelqu'un de bien et pousser son entourage dans la bonne direction, en incarnant des valeurs simples et saines, inspiratrices.

Mais Bernard, c'est aussi quelqu'un de fragile, parce qu'être aussi doux et désintéressé vous expose plus que les autres aux peines de la vie. Lui et sa femme ont eu le terrible malheur de perdre un fils, et mon cousin un frère. Ca a été très difficile pour toute le famille, mais encore plus pour Bernard. C'était trop dur d'avoir perdu Manu, et lentement, il a glissé, sont esprit s'est créé des refuges pour faire face. Il n'a rien perdu de ses facultés, mais parfois, on sent qu'il est ailleurs. Toujours tel qu'en lui-même au fond, mais un peu parti sur des rivages où on ne peut pas le suivre. Le temps n'a rien arrangé, et inexorablement, il est parti de plus en plus loin.

La dernière fois que je l'ai vu, cet été, ça allait. Un peu fatigué, encore plus tête en l'air, mais il y avait toujours l'étincelle, qui réveille toujours en moi le gamin que j'étais il y a encore pas si longtemps devant lui. Et puis cette semaine, le coup de massue, terrible. Bernard est à l'hôpital, l'organisme est en train de lâcher et à moins d'un miracle c'est une question d'heures. Et là c'est toute une partie de mon enfance qui ressurgit et qui a peur, qui est perdue. L'attente est affreuse, le désarroi immense.

Bernard est mort hier, et ça fait mal. Mal pour sa femme Véronique, pour son fils JB, pour la famille entière, et plus égoïstement pour moi.

Là où tu navigues, Bernard, je ne peux pas aller. Mais je ne t'oublie pas, et ta marque, discrète, restera toujours gravée en moi.

Salut, Chef.

Publié dans Rien à bloger

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A
Bel hommage. <br /> Toutes mes condoléances.
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H
Toutes mes condoléances.
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R
Très bel hommage plein d'émotion. Je vois également ma famille s'effriter peu à peu et avec elle tous les souvenirs de moments passés et de personnages attachants. Qui ont beaucoup vieilli et souffert. Les souvenirs, comme les personnages.  Bon courage à toi et à ta famille.
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