L'Histoire légale

Publié le par Fei

Avant-propos : j'ai encore reçu une plaquette de chocolat et j'en ai piqué deux autres, ce qui fait que j'ai maintenant cinq tablettes de chocolat noir 70% gratos chez moi. Ca doit être la première fois que je suis content de recevoir des trucs non demandés dans ma boîte, tiens. Avec ça, je vais tenir un bout de temps, vu que le noir à 70% ça se bouffe pas trop par plaquettes entières...

Aujourd'hui on va parler un peu d'une curieuse manie de la France ces derniers temps, celle qui voit le législateur s'aventurer sur un terrain qui n'est pas le sien : l'Histoire. Tout le monde se souvient de la loi scélérate concernant le rôle positif de la colonisation, et voilà maintenant que la France légifère sur la vérité historique du génocide arménien. Pour éviter des malentendus malheureux, soyons clairs dès le début : je ne réfute en aucune façon la véracité du génocide arménien, pas plus que je ne juge la conduite de la Turquie face à son histoire. Mon propos n'est pas là. La loi sur la négation du génocide sera un simple exemple, dont la teneur ne doit pas être prise en compte. Ce qui m'intéresse, c'est la tentative de main-mise du législateur sur le domaine historique, et rien de plus. Ces précisions apportées, venons-en au fait.

La France utilise ces derniers temps des méthodes très discutables pour se mêler de l'Histoire, en tentant de graver dans le marbre une version de son passé qui deviendrait donc une sorte d'Histoire officielle. On est là dangeureusement près du domaine de la propagande et du bourrage de mou. D'abord le rôle positif de la colonisation et puis quoi ? On gommera pudiquement le passé collaborationniste, les rafles, pour ne glorifier que la Résistance ? On ne gardera que les grandes victoires Napoléoniennes mais on passera les défaites à l'as ? On réécrira Dien Bien Phu ? Georges Orwell, dans son visionnaire 1984, a écrit : Who controls the past, controls the future. Who controls the present, controls the past. C'est à dire : Celui qui contrôle le passé contrôle le futur. Celui qui contrôle le présent, contrôle le passé. On assiste ici à une tentative du législateur, qui contrôle le présent, de prendre le contrôle du passé et de le modeler à sa convenance. Et c'est grave. Quand la France tente de se mettre des oeillères en disant "Non non, la colonisation c'était bien, la preuve : la loi le dit !", c'est non seulement ridicule mais aussi fort inquiétant sur le degré de maturité, de capacité de repentance et d'apprentissage du
pays. On doit tirer des leçons de l'Histoire, pas n'en garder que ce qui nous flatte et nous arrange. Et on doit surtout laisser les historiens le faire, et pas l'Etat, dont on connaît la capacité d'auto-ciritque (bien que dans certains cas, les Etat semblent aimer imposer l'auto-critique à leurs citoyens). Déjà, le fait que l'Education Nationale décide des programmes d'Histoire est discutable : combien de lycéens ont entendu ou entendront parler de l'Algérie, de l'Indochine, de la Commune ? Des passages dont la France n'a visiblement pas envie de se souvenir, et dont on espère peut-être qu'ils tomberont dans l'oubli avec le temps si personne ne les enseigne ?

Et le plus tragi-comique, c'est qu'en plus de réécrire sa propre Histoire, la France entend se mêler de celle des autres, arméniens et turques. Les socialistes avaient crié -à juste titre- au scandale quand le législateur avait passé sa loi sur la colonisation, et voilà qu'ils prennent l'initiative de reproduire ce schéma en proposant une loi punissant la négation du génocide arménien. La cause peut sembler juste (je laisse à chacun le soin de l'apprécier), mais le procédé est plus que discutable. On en est pas encore à la Pravda et à la vérité gouvernementale, celle décidée par le Parti, mais la prudence est de mise, le terrain est glissant. On a déjà suffisament de lois liberticides genre Perben 2, mais l'Etat semble avoir encore faim de contrôle. Le temps est à la régression des libertés, sur tous les domaines. Contrôle des communications, d'internet, de l'histoire, violations de vie privée... Alors que certains tentent d'en prendre le contrôle, je ne suis pas sûr que l'Histoire évolue dans le bon sens...


PS : illustration de D. Goubelle

Publié dans Rien à bloger

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C
Pas sûr ! ... ^^
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C
Encore une fois, je suis d'accord avec vous. Mais ce que je voulais dire: c'est comment lutter contre le négationnisme ?Je ne suis pas un fan de loi Gaisso (Désolé pour l'ortho) qui est assez similaire à celle ci. Mais elle a quand même l'avantage de condamner ceux qui disent que les camps de concentration n'ont pas existé alors que là, il n'y a pas besoin de retourné un siècle en arrière pour avoir des preuves flagrantes de leurs existences, il y a même encore des survivants pour témoigner.>>"Imagine qu'un jour un régime nazi arrive au pouvoir... M'est avis que les lois sur le négationisme elle feront pas long feu"Oui est alors, si un régime totalitaire arrive au pouvoir, il changera sûrement pas que cette loi, et c'est pas pour ça qu'on doit arrêter d'en créer.Après là, où Fei est plus magnanime en louant la cause de vouloir bien faire, moi, je vois aussi les élections qui arrivent et du rattrapage  politique  et médiatique  là dessus qui m'écoeure un peu.
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F
Y a qu'a tuer tout le monde, comme ça tout le monde sera d'accord... ^^
H
En plus, l'utilité de la chose me parait assez discutable. Imagine qu'un jour un régime nazi arrive au pouvoir... M'est avis que les lois sur le négationisme elle feront pas long feu.Donc bon, à part pour nous débarrasser de notre culpabilité gluante ou donner des leçons de morale à deux balles, je vois pas.
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F
Bah oui, c'est comme se cacher les yeux avec les mains en espérant que ça fera disparaître le camion qui arrive en sens inverse. C'est migon, ça fait illusion une seconde, mais au final ça trompe personne.Et avec un parti nazi, on aurait juste des lois négationnistes, super facilement adaptées des anti-négationnistes, suffit de tout passer... en négation.
S
Je suis entièrement d'accord avec toi. On a justement eu ce débat aujourd'hui en cours et effectivement je trouve que chacun sa place, le législateur ne doit pas empiéter sur le travail de l'historien. Car en plus, le boulot de l'historien réside dans la recherche permanente et la remise en cause. Alors qu'avec une loi, on "fige" un peu les choses. <br /> Ca en dit long sur bien des choses et un certain état d'esprit du moment, mais je trouve ça plus qu'inquiétant...
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F
Eh oui, l'Histoire évolue, et heureusement. La loi ne doit pas s'en mêler. Imagine une loi qui grave dans le marbre que si, Jesus il a bien fait des miracles...
C
Oui, c'est un terrain gliçant, Je suis plutôt d'acoord avec toi mais d'un autre côté les négationnistes faussent aussi l'histoire et comment les en empêcher, c'est pas simple tout ça.Et fais gaffe que tes voisins ne mettent pas une caméra dans leur boite à lettres. O_o
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F
Oui, mais les négationnistes n'ont pas le pouvoir de poser de façon officielle leur version. L'Histoire est mouvante, et varie selon les régions, elle est affaire de consensus, et ne doit pas se voir accorder un statut légal.