L'Arctique, New-York, Auschwitz
Comme je Te devine d'ores et déjà intrigué par ce titre, cherchant vainement à relier entre eux ces trois lieux, je ne vais pas faire durer le suspense : ce sont quelques-uns des endroits où se passent les trois bouquins que j'ai lu la semaine dernière. Je ne lis quasiment qu'en vacances, mais en général j'ai un bon rythme une fois la période pré-citée enfin atteinte. J'ai aussi lu quelques nouvelles de William Irish dont je ne parlerai pas, j'ai commencé un bouquin (La lune était noire) de l'excellent Michael Connelly avant de m'apercevoir au bout de 20 pages que je l'avais déjà lu, et j'ai commencé un autre polar financier qui m'a tellement pas accroché que j'ai pas vraiment cherché à le finir avant de rentrer. Je vais donc Te parler de mes dernières lectures, par ordre chronologique et par intérêt croissant, le hasard faisant bien les choses.
Histoire de relancer mes neurones de lecture de trucs avec que des mots et pas d'images, j'ai commencé par un truc pas fatiguant : Deception point, de Dan Brown. L'auteur du Da Vinci Code, que j'avais trouvé plutôt pas mal, et dont on va nous rebattre encore pas mal les oreilles vu que le film arrive bientôt sous nos latitudes encore timidement ensoleillées. Precisons que Deception point a été écrit en 2001, l'editeur sortant tous les livres antérieurs au Code pour surfer sur son succès. Comme de bien entendu, et comme son nom l'indique, Deception point parle de complot (petit cours d'anglais rapide : deception est un faux-ami -vilain !- qui signifie tromperie). Ici, il s'agit d'une découverte extraordinaire faite par la Nasa dans l'Arctique, qui va bouleverser le monde, évidemment. Saupoudrez le tout avec une pincée d'espionnage et de politique, et vous obtenez un petit bouquin qui se laisse lire, mais qui n'est pas vraiment intéressant.
Eh oui Dan, Tu n'as strictement aucun style donc Ton récit est totalement impersonnel, Tes personnages sont super plats et pourtant creux (étonnant non ?) donc on se fout royalement de ce qui peut leur arriver, Tes péripéties sont carrément capilotractées et Tu as un peu trop recours au hasard forcené qui arrange toujours les gentils. Ajoutons que Tes petits effets pour annoncer Ta surprise extraodinaire agacent plus qu'ils ne suscitent l'intérêt, et je pense qu'avec ça j'aurai suffisament fait comprendre qu'il y a surement mieux à lire dans le genre que ton Deception point au titre à double tranchant dans notre belle langue de Molière (remarque, l'éditeur pourra dire qu'il avait prévenu, c'était écrit sur la couverture).
Après ce premier roman thriller/espionnage, pas franchement mauvais mais pas terrible, j'ai lu un polar noir avec un certain humour un peu décalé, Havana Room, de Colin Harrison. D'après le NY Times, "Harrison est à NY ce que Chandler et Ellroy sont à LA". J'ai rien lu de Raymond Chandler ou James Ellroy, mais je les connais de réputation, donc je le sentais pas mal. Un petit pitch : après un accident aussi ridicule que tragique, Bill Wyeth a tout perdu, de sa famille à son boulot d'avocat, en passant par son domicile. Au plus bas, il prend ses dîners dans un ancien steakhouse, qui héberge l'intriguante Havana Room. En cherchant à y entrer, Bill va rencontrer Jay qui cherche un avocat d'urgence, déclenchant ainsi une spirale d'emmerdes pour Bill.
Je ne suis pas complètement rentré dans le ton du bouquin, je n'ai pas réussi à vraiment me laisser porter dans les aventures à la fois dures et un poil loufoques de Bill, et des personnages un peu hors-normes qui gravitent autour de lui. L'histoire est pourtant pas mal foutue, bien menée, avec une ambiance travaillée et un ton assez personnel. Les personnages ne sont pas lisses, ils ont chacun leurs fêlures, sont crédibles et attachants. Je n'ai pas complètement accroché, mais au moins il y a une vraie personnalité dans ce bouquin, pas comme chez Dan, quoi. Ce qui fait que ce livre est tout à fait recommandable, puisque ce sont surtout des critères subjectifs qui m'ont bloqué, alors que le roman précédent était relativement objectivement faiblard.
Après ces deux romans aux tons différents mais dans des genres pas si éloignés, j'ai eu envie de changer assez radicalement, et je me suis lancé dans La mort est mon métier, de Robert Merle. Bien que dans le roman le nom soit différent, Merle le confesse dans la préface, il s'agit de la vie de Rudolf Hoess, tristement connu pour avoir été le responsable du camp d'Auschwitz et de la mise sur pied de l'"industrialisation" de la solution finale. Merle se concentre tout d'abord longuement sur l'environnement familial de Rudolf Lang (ainsi qu'il l'a nommé dans le livre), pour faire comprendre la personnalité si particulière du personnage, son fonctionnement intellectuel et son rapport au monde. On comprend alors l'effet qu'ont eu une éducation ultra-religieuse et dénuée d'amour explicite, une adolescence sans repères autres que des dragons de retour de la Grande Guerre, et une vie passée à obéir. Suivent l'engagement dans la SS dès sa création, les campagnes à l'étranger puis l'ascencion dans la hiérarchie jusqu'au commandement de l'arbeitslager et la recherche quasi scientifique de la solution finale. Merle autopsie la personnalité de Rudolf avec un réalisme terrifiant et glaçant, et réussit parfaitement à faire comprendre pourquoi cet homme a pu si "facilement" s'acquitter de sa mission inhumaine. Le livre, après avoir passé par le détail toute la mise en place de la chaîne d'extermination, avec ses tâtonnements, ses essais, se termine rapidement pendant le procès de Rudolf à Nuremberg, qui dévoile les toutes dernières pierres de l'édifice mental du personnage.
Je n'avais jamais rien lu de Robert Merle, et je T'incite très vivement à lire celui-ci si Tu ne l'as pas encore fait. C'est passionnant, terrifiant, implacable, limpide, révoltant. Merle réussit le tour de force qui consiste à décrire un monstre dans toute son inhumanité en le rattachant toujours à des choses simples, pour bien montrer que ces êtres n'apparraissent pas par hasard mais sont le fruit d'une époque et d'une société. Un livre à lire et faire lire, donc.
Dans le même genre d'autopsie d'un monstre fruit d'une époque et d'une société malades, je Te recommande tès vivement From Hell de Campbell et Moore (chez Delcourt). Incroyablement plus riche et passionnant que le film qu'on en a tiré, ce roman graphique mérite que Tu dépasses le probable rejet que provoquera chez Toi son dessin, sous peine de rater un monument incroyablement intéressant et documenté.
Histoire de relancer mes neurones de lecture de trucs avec que des mots et pas d'images, j'ai commencé par un truc pas fatiguant : Deception point, de Dan Brown. L'auteur du Da Vinci Code, que j'avais trouvé plutôt pas mal, et dont on va nous rebattre encore pas mal les oreilles vu que le film arrive bientôt sous nos latitudes encore timidement ensoleillées. Precisons que Deception point a été écrit en 2001, l'editeur sortant tous les livres antérieurs au Code pour surfer sur son succès. Comme de bien entendu, et comme son nom l'indique, Deception point parle de complot (petit cours d'anglais rapide : deception est un faux-ami -vilain !- qui signifie tromperie). Ici, il s'agit d'une découverte extraordinaire faite par la Nasa dans l'Arctique, qui va bouleverser le monde, évidemment. Saupoudrez le tout avec une pincée d'espionnage et de politique, et vous obtenez un petit bouquin qui se laisse lire, mais qui n'est pas vraiment intéressant.
Eh oui Dan, Tu n'as strictement aucun style donc Ton récit est totalement impersonnel, Tes personnages sont super plats et pourtant creux (étonnant non ?) donc on se fout royalement de ce qui peut leur arriver, Tes péripéties sont carrément capilotractées et Tu as un peu trop recours au hasard forcené qui arrange toujours les gentils. Ajoutons que Tes petits effets pour annoncer Ta surprise extraodinaire agacent plus qu'ils ne suscitent l'intérêt, et je pense qu'avec ça j'aurai suffisament fait comprendre qu'il y a surement mieux à lire dans le genre que ton Deception point au titre à double tranchant dans notre belle langue de Molière (remarque, l'éditeur pourra dire qu'il avait prévenu, c'était écrit sur la couverture).
Après ce premier roman thriller/espionnage, pas franchement mauvais mais pas terrible, j'ai lu un polar noir avec un certain humour un peu décalé, Havana Room, de Colin Harrison. D'après le NY Times, "Harrison est à NY ce que Chandler et Ellroy sont à LA". J'ai rien lu de Raymond Chandler ou James Ellroy, mais je les connais de réputation, donc je le sentais pas mal. Un petit pitch : après un accident aussi ridicule que tragique, Bill Wyeth a tout perdu, de sa famille à son boulot d'avocat, en passant par son domicile. Au plus bas, il prend ses dîners dans un ancien steakhouse, qui héberge l'intriguante Havana Room. En cherchant à y entrer, Bill va rencontrer Jay qui cherche un avocat d'urgence, déclenchant ainsi une spirale d'emmerdes pour Bill.
Je ne suis pas complètement rentré dans le ton du bouquin, je n'ai pas réussi à vraiment me laisser porter dans les aventures à la fois dures et un poil loufoques de Bill, et des personnages un peu hors-normes qui gravitent autour de lui. L'histoire est pourtant pas mal foutue, bien menée, avec une ambiance travaillée et un ton assez personnel. Les personnages ne sont pas lisses, ils ont chacun leurs fêlures, sont crédibles et attachants. Je n'ai pas complètement accroché, mais au moins il y a une vraie personnalité dans ce bouquin, pas comme chez Dan, quoi. Ce qui fait que ce livre est tout à fait recommandable, puisque ce sont surtout des critères subjectifs qui m'ont bloqué, alors que le roman précédent était relativement objectivement faiblard.
Après ces deux romans aux tons différents mais dans des genres pas si éloignés, j'ai eu envie de changer assez radicalement, et je me suis lancé dans La mort est mon métier, de Robert Merle. Bien que dans le roman le nom soit différent, Merle le confesse dans la préface, il s'agit de la vie de Rudolf Hoess, tristement connu pour avoir été le responsable du camp d'Auschwitz et de la mise sur pied de l'"industrialisation" de la solution finale. Merle se concentre tout d'abord longuement sur l'environnement familial de Rudolf Lang (ainsi qu'il l'a nommé dans le livre), pour faire comprendre la personnalité si particulière du personnage, son fonctionnement intellectuel et son rapport au monde. On comprend alors l'effet qu'ont eu une éducation ultra-religieuse et dénuée d'amour explicite, une adolescence sans repères autres que des dragons de retour de la Grande Guerre, et une vie passée à obéir. Suivent l'engagement dans la SS dès sa création, les campagnes à l'étranger puis l'ascencion dans la hiérarchie jusqu'au commandement de l'arbeitslager et la recherche quasi scientifique de la solution finale. Merle autopsie la personnalité de Rudolf avec un réalisme terrifiant et glaçant, et réussit parfaitement à faire comprendre pourquoi cet homme a pu si "facilement" s'acquitter de sa mission inhumaine. Le livre, après avoir passé par le détail toute la mise en place de la chaîne d'extermination, avec ses tâtonnements, ses essais, se termine rapidement pendant le procès de Rudolf à Nuremberg, qui dévoile les toutes dernières pierres de l'édifice mental du personnage.
Je n'avais jamais rien lu de Robert Merle, et je T'incite très vivement à lire celui-ci si Tu ne l'as pas encore fait. C'est passionnant, terrifiant, implacable, limpide, révoltant. Merle réussit le tour de force qui consiste à décrire un monstre dans toute son inhumanité en le rattachant toujours à des choses simples, pour bien montrer que ces êtres n'apparraissent pas par hasard mais sont le fruit d'une époque et d'une société. Un livre à lire et faire lire, donc.
Dans le même genre d'autopsie d'un monstre fruit d'une époque et d'une société malades, je Te recommande tès vivement From Hell de Campbell et Moore (chez Delcourt). Incroyablement plus riche et passionnant que le film qu'on en a tiré, ce roman graphique mérite que Tu dépasses le probable rejet que provoquera chez Toi son dessin, sous peine de rater un monument incroyablement intéressant et documenté.